En vue de créer un programme adapté à l’expérience d’un jeune au secondaire, Ben Clost, gestionnaire de programme de Passeport Spryfield, travaille en étroite collaboration avec l’école secondaire locale et communique régulièrement avec des conseillers d’orientation pour discuter des préoccupations naissantes qui nuisent au bien-être des élèves.

L’automne dernier, après avoir pris connaissance de rapports selon lesquels le consentement et la résolution de conflits étaient des sujets de plus en plus importants à aborder avec les élèves de sexe masculin, Ben a commencé à concevoir des programmes de mentorat axés sur la lutte contre les attentes sociétales néfastes liées à la masculinité. « J’observe certains jeunes hommes se comporter à l’école en portant ce masque de l’homme qu’on leur inculque dans les médias de nos jours. Cette perception que l’importance d’un jeune découle de sa capacité à dominer physiquement demeure, explique Ben. Même les plus durs d’entre eux veulent être capables d’éprouver des sentiments, mais ils se sentent coincés dans une case d’homme traditionnel, et ils en souffrent. »

C’est ainsi que le groupe Mancave a vu le jour : pour créer un espace de dialogue ouvert qui permet aux élèves de sexe masculin de vivre un plus large éventail d’expériences et d’émotions.

L’espace Mancave

Ben et deux collègues masculins CRPE animent les séances hebdomadaires pendant l’heure du dîner à l’école afin de favoriser la participation des élèves. Chaque rencontre de Mancave commence par la distribution de quelques collations et une discussion libre s’ensuit, incitant le groupe à questionner les messages sociétaux relatifs à la masculinité, aux relations et à la conduite personnelle.

Lors de la première séance, le groupe a discuté de la différence entre les attentes de la société à l’égard d’« un homme, un vrai » par rapport à un « homme bon ». Le fait d’écrire leur opinion dans deux colonnes au tableau a permis aux élèves d’exercer leur esprit critique et de se défaire de l’idée préconçue de l’homme idéal.

Ces échanges ont également amorcé une réflexion sur la dimension culturelle de la compréhension mutuelle. Lorsque le groupe a débattu de ce que les hommes et les femmes souhaitent dans une relation, qui est censé payer lors du premier rendez-vous par exemple, l’importance de la culture quant aux normes propres au genre est devenue évidente pour ce groupe dont la moitié avait récemment immigré au Canada. « C’est très sain pour tout le monde dans la salle de constater ces différences et d’apprendre qu’il s’agit simplement d’un éventail d’attentes d’ordre culturel, plutôt que de devoir les catégoriser comme bonnes ou mauvaises », explique Ben. Compte tenu du nombre croissant de nouveaux arrivants à Spryfield, ces discussions sont devenues une occasion précieuse de créer des ponts entre les cultures.

Pour aborder la notion de consentement, le groupe a abordé différentes interactions possibles lors d’un deuxième rendez-vous. Dans le cadre d’un échange sur une expérience de rejet, l’équipe a mis les élèves au défi de réfléchir aux émotions négatives qu’ils pourraient ressentir et de se demander si ces émotions ne sont pas perpétuées par la pression sociale. Ben souligne l’importance de décortiquer les opinions misogynes en faisant preuve de curiosité. « Les rappeler à l’ordre leur donne l’impression qu’ils ne sont pas aptes à faire évoluer leur point de vue. Ils ont besoin de sentir qu’ils peuvent exprimer ces pensées sans se sentir jugés. En posant des questions, il nous est possible de mettre en lumière d’où viennent ces résistances, et ainsi de nous attaquer ensemble à ces croyances. »

En fin de compte, l’objectif fondamental du groupe Mancave est de promouvoir l’esprit critique et l’identité personnelle. Dans un récent exercice encourageant les élèves à réfléchir à leurs besoins individuels, Ben a demandé aux membres du groupe ce qui les rendait heureux. « Au secondaire, on est rejeté pour notre différence et valorisé si on rentre dans le moule. Mais en faisant un peu d’introspection, on développe ce muscle qui permet de se demander : “À quoi j’aspire vraiment?”. Quel que soit le scénario futur, vous pouvez marquer un temps d’arrêt et vous demander : “C’est à ça que je veux ressembler? Est-ce que je veux correspondre à cette image-là de l’homme?” »

Les élèves ont démontré un vif intérêt pour le projet, suggérant des réunions plus fréquentes et participant même à une nuitée en camping avec le groupe Mancave pendant les vacances d’été. Les séances ont par ailleurs permis d’accroître la participation au programme Passeport, car d’autres élèves ont eu envie de s’y inscrire après avoir entendu parler des échanges du groupe de mentorat.

Ben sait que le fait de donner aux jeunes les outils nécessaires pour exercer leur esprit critique à l’égard de leurs croyances et de leurs actions a une incidence importante sur leur santé mentale et peut créer un véritable changement positif au sein de leur communauté. « Chaque fois qu’un élève répond honnêtement à l’une de mes questions, je peux le voir se faire sa propre idée de la façon dont il veut exprimer ce qu’il ressent. Cela réaffirme qu’ils cheminent pour devenir des hommes équilibrés », explique Ben. S’ils ne retiennent qu’une chose de ces rencontres, je veux qu’ils repartent avec la capacité de remettre en question, de manière saine, ce qu’on leur dit sur ce qu’un homme est censé être, sur la manière dont on doit se comporter avec les femmes, et comment bien se conduire les uns envers les autres. »